mardi 30 septembre 2014

Le théâtre BITEF - L'église évangéliste de Dorćol

L'église évangéliste
Dans le quartier de Dorćol, près de la rue bohème Skadarska, le Montmartre de Belgrade, se trouve un bâtiment insolite qui abrite aujourd'hui le théâtre BITEF et qui avait été initialement construit par les citoyens de la communauté protestante de Belgrade pour y accueillir leur congrégation. Ce bâtiment a cependant eu un destin imprévu et n'a jamais servi en tant qu'institution religieuse.

Belgrade étant situé à l'intersection des mondes catholique, orthodoxe et musulman, il a toujours accueilli à bras ouverts toutes sortes de nationalités et de religions. Les premiers protestants vinrent à Belgrade au XVIIème siècle. Mais, vous vous souvenez, c'est durant l'occupation de Belgrade par les Autrichiens, au début du XVIIIème siècle, qu'environ 300 familles allemandes s'installèrent à Belgrade. Le Prince Miloš Obrenović, dans la première moitié du XIXème siècle encouragea également la venue des colonistes allemands et promit à tous les croyants la liberté de pratiquer leur religion quelle qu'elle fût.


Ce n'est qu'en 1940 que la communauté protestante entreprit de bâtir son église mais la guerre changea tous ses plans. L'église n'a jamais accueilli ses paroissiens. Il semble qu'elle ait servi en tant qu'entrepôt de munition. A la fin de la seconde guerre mondiale, le bâtiment fut nationalisé. La communauté protestante, du fait qu'elle était en grande majorité allemande, se réduisit considérablement. 

La construction de l'église au début des années 1940
Aujourd'hui, ce bâtiment fait partie de la vie culturelle de la capitale. À la fin de années 1980, la ville de Belgrade le concéda au Théâtre d'avant-garde BITEF. L'église abrite également le club "Bitef Art Café", ouvert en 2001, où l'on peut toujours écouter de la bonne musique. Par la qualité des interprètes qui y jouent, le club participe également à l'enrichissement de la vie artistique de la ville.

La salle du théâtre
À ne pas manquer si vous venez à Belgrade.

Mon quartier, Dorćol, le centre du vieux Belgrade

Comme je vous l'ai déjà mentionné dans l'un de mes précédents billets, j'habite dans la municipalité belgradoise de "Stari Grad", qui signifie la "Vieille Ville". C'est le noyau de la ville à partir duquel Belgrade s'est ensuite développé. Mais plus précisément, j'habite le quartier de "Dorćol" (Dortchol) sur le quai du Danube, l'un des quartiers les plus agréables de la ville, mais également quartier historique de la capitale.

Au moyen-âge, lorsque Belgrade était la capitale de la Serbie libre, la localité où se trouve le quartier actuel était en quelque sorte le centre ville. Le nom Dorćol a été donné par les Turcs et est composé de deux mots signifiant "l'intersection de quatre rues". En ce temps, Dorćol ne désignait que l'intersection des deux rues qui se nomment aujourd'hui la rue de l'Empereur Dušan et la rue du Roi Pierre 1er de Serbie. Voici les photos de cette intersection, à 5 minutes de chez moi.

Intersection Dorćol, rue de l'Empereur Dušan qui aboutit à la forteresse Kalemegdan
Intersection Dorćol, rue du Roi Pierre 1er de Serbie. La rue monte tout droit au centre ville actuel.Elle est pavée comme autrefois, à la turque.
Après deux siècles d'occupation turque, en 1717, Belgrade tombe sous le siège de l'armée autrichienne et durant les deux décennies suivantes, la ville, et surtout le quartier de Dorćol, changent considérablement. Les autrichiens détruisent les petites maisons turques et les remplacent par des immeubles occidentaux. La ville est modernisée. Environ 300 familles allemandes s'expatrient et s'installent à Belgrade. La rue de l'Empereur Dušan actuelle est toujours, durant ces 20 années, le centre des activités mondaines. Depuis le centre ville actuel, la rue piétonne Knez Mihajlo et la Place de la République, jusqu'au quartier de Dorćol, le terrain est légèrement en pente et, jusqu'à la seconde moitié du XIXème siècle, il était couvert de potagers. La plus ancienne maison de Belgrade, construite entre 1724 et 1727, s'y trouve encore. Il semble qu'elle faisait partie d'un complèxe d'immeubles qui formaient alors le palais du Prince Eugène de Savoie et où emaeurait le gouverneur de la Serbie, Alexander Wurtennberg. Ce palais portait le nom du Prince Eugène mais était aussi comiquement (ou péjorativement) appelé "Pirinčhana" (pirintchana) par les habitants de Belgrade: "Pirinč" comme déformation intentionnée du mot "Princ" (Prince) et "hana" du mot turc qui signifie la "maison". Les deux mots associés donnent l'impression qu'il s'agit d'une fabrique de riz, car en serbe, le riz se dit "pirinač" (pirinatch).

La maison la plus ancienne de Belgrade, rue de l'Empereur Dušan
En 1739, les Turcs reprennent le contrôle de Belgrade qui devient à nouveau une ville orientale. Les églises sont transformées en mosquées, on construit le palais du pacha, des harems, des mosquées et de nombreuses résidences pour les turcs employées dans l'administration de la ville.

La rue de l'empereur Dušan sous l'occupation turque dans les années 1860-1870, auteur Karl Gebel (1824-1899). A gauche, le palais "Pirinčhana" en ruines.
Il semble que le palais "Pirinčhana" ait été détruit par les Autrichiens lors de leur départ. Les ruines ont longtemps témoigné de leur défaite et furent finalement complètement détruites au début du XXème siècle.

La "Pirinčhana"
Dorćol d'autrefois avec ses nombreux minarets
Sous l'occupation turque, Dorćol était habité en grande majorité par les turcs. Une importante communauté juive qui avait fui l'Espagne et ses persécutions vivait toutefois en contre-bas. Jusqu'à la deuxième guerre mondiale, le quartier était habité par les juifs et les allemands, descendants des familles expatriées au XVIII siècle par les autrichiens. La seconde guerre mondiale a à tout jamais changé l'âme de ce quartier multinational. La communauté juive a été presque décimée par les nazis, les allemands qui vivaient à Belgrade depuis des générations ont été chassés par les Partizans. Il  ne faut toutefois pas oublier de mentionner que Dorćol a une grande communauté Rome, qui, sembre-t-il, vit dans ce quartier depuis plus longtemps que les Serbes eux-mêmes.

Lorsque vous dîtes que vous habitez Dorćol, c'est chic, parce que c'est le coeur historique de la ville. Malheureusement, les Autrichiens ont détruit de nombreux immeubles turcs, les Turcs à leur tour ont détruit les immeubles autrichiens, et, en fin de compte, les Serbes ont détruit ou ont laissé s'écrouler les immeubles turcs et autrichiens :( Aujourd'hui, de nombreux immeubles splendides attendent d'être rénovés. Malheureusement, ni la municipalité de Stari Grad, ni la ville de Belgrade, n'ont les moyens d'entreprendre les travaux, si bien que certaines façades sont en ruine.

Cependant, il y a encore des choses à voir dans le quartier de Dorćol. D'abord, il faut se promener sur le quai du Danube et jouir du fleuve majestueux, boire un café ou faire du vélo. C'est l'un des endroits préférés des Belgradois pour profiter d'un week-end en famille quand il fait beau temps.

Bateau de croisière sur le Danube, à 50 mètres de mon immeuble
Aujourd'hui, la rue "Jevrejska", c'est à dire la rue "Juive", éxiste encore dans mon quartier, en hommage à une communauté qui a légué un héritage architectural et culturel d'une immense richesse. De tous les immeubles construits par cette communauté dans plusieurs des rues principales du quartier de Dorćol, seuls quelques-uns ont survécu la deuxième guerre mondiale, comme celui situé dans la rue Juive et appelé le "Cinéma Rex". L'immeuble fut construit en 1930 pour les besoins de deux associations juives. Après le deuxième guerre mondiale, l'immeuble fut nationalisé et il fut utilisé à différentes fins. Dans les années 1990, pour les besoins d'un film, l'équipe de tournage y accrocha la plaque "Cinéma Rex". Depuis 1994, l'immeuble abrite un centre culturel alternatif et, la plaque étant restée sur la façade, le centre culturel porte le nom de "Cinéma Rex".

Immeuble juif dans la rue "Juive" construit dans les années 30 du XXème siècle
L'immeuble imposant du musée historique juif fut construit en 1928. Durant la seconde guerre mondiale, il fut le quartier général de l'organisation "Kulturbund" qui était à l'origine apolitique et qui avait pour but de promouvoir la langue et la culture allemande. La guerre et l'occupation ont fait de cette association le promoteur de l'idéologie nazie.
Immeuble du musée historique juif
La rue de l'Empereur Dušan, le coeur du vieux Dorčol, abrite quelques joyaux de l'architecture belgradoise, immeubles qui sont sous la protection de l'État et classés monuments historiques.

Tout d'abord, l'église de la paroisse de Dorćol, l'église St. Alexandre Nevski, construite de 1928 à 1929 à la place de l'ancienne église qui datait de 1877. Le roi Aleksandar Karađorđević a fait don de l'iconostase en marbre à l'église en 1930.


La maison Saint Sava, construite en 1890 par l'association qui porte le même nom était, une fois terminée, le plus beau et le plus grand bâtiment dans la rue de l'Empereur Dušan. Il abrite aujourd'hui la faculté de physique.

La maison Saint Sava

La maison Saint Sava au début du XXème siècle
L'immeuble de l'Association Saint Sava est absolument monumental. Construit en 1924, c'est aujourd'hui un immeuble d'habitation.
L'immeuble de l'association Saint Sava, construit en 1924
Les bains publics ont été construits sur les fondations des anciens bains turcs. L'immeuble fonctionna en tant que bains publics jusqu'en 2003. Ses visiteurs étaient pour la plupart des romes et des sans-abris qui pouvaient recevoir un petit sachet de shampoing et un petit savon. À cause des installations devenues trop vieilles, les bains ont été fermés au public et l'immeuble, depuis 2004, sert de temps en temps comme centre culturel.
L'immeuble des bains publics, construit entre 1901 et 1928, sur les fondations des bains turcs
Belgrade obtenut son premier lycée en 1839, par décret du Prince Miloš. Les cours avaient lieu dans une maison louée et, le nombre des élèves augmentant d'année en année, le lycée déménagea bien souvent. La décision fut prise en 1936 de bâtir un nouvel immeuble pour abriter le plus prestigieux des lycées de Belgrade. La contruction de cet immeuble fut achevée en 1938. Aujourd'hui encore, il jouit d'une réputation prestigieuse et seuls les meilleurs élèves sortis de l'enseignement secondaire peuvent s'y inscrire.
L'immeuble du Premier Lycée belgradois, construit en 1938
L'immeuble de la première école élémentaire de Dorćol fut construit en 1893, selon les standards européens de l'époque et ce fut longtemps l'école la plus moderne en Serbie.

L'immeuble de l'école élémentaire de Dorćol, construit en 1893
L'école élémentaire de Dorćol au début du XXème siècle
Dû au passé tourmenté de Belgrade, de nombreux immeubles on disparu, détruits par les occupateurs successifs: turcs, autrichiens, allemands. Cependant, ceux qui ont résisté jusqu'à nos jours sont classés monuments historiques. Faisons un petit tour ensemble.

Dans la rue de la Princesse Ljubica dont je vous ai déjà parlé, se trouve la maison du peintre réaliste Đorđe Krstić, construite aux alentours de 1890.

Maison du peintre réaliste Đorđe Krstić
La fontaine Čukur se trouve dans la rue suivante. Construite en 1931, à l'emplacement de l'ancienne fontaine qui avait alimenté le quartier en eau jusqu'en 1892, lorsque l'eau courante fut installée. Le nom est d'origine turque. Ce monument est particulièrement important car il rappelle un épisode décisif de l'Histoire serbe qui commença par la mort d'un garçon serbe venu remplir sa cruche d'eau à la source, et tué par un soldat turc, en 1862.

La fontaine Čukur
La maison de la famille Pavlović, dans la rue Gospodar Jevremova, constuite en 1882, est aujourd'hui un centre culturel.

Maison de la famille Pavlović
Au numéro 19 de la même rue se trouve le musée de l'art théâtral, dans un immeuble construit en 1836 par un riche marchand.

Musée de l'art théâtral
Au numéro 22 se trouve le complèxe qui abrita la "Grande école" et qui est composé de deux immeubles: le premier construit entre 1789 et 1804 et le second en 1862. C'est un immeuble d'une très grande importance dans l'Histoire du développement de l'éducation en Serbie.

Immeuble de la "Grande école"
Dans la même rue se trouve le musée Vuk et Dositej, grands noms de l'Histoire serbe dont je vous ai déjà parlé. La maison fut construite dans la première moitié du 18ème siècle, probablement pour l'administrateur du trésor turc.
Immeuble du musée Vuk et Dositej
La maison où vécut le célèbre compositeur et pédagogue Stevan Mokranjac fut construite en 1872 par un constructeur immobilier. De 1898 à 1899, elle abrita l'institution anglaise des orphelins serbes.

Maison où vécut le compositeur Stevan Mokranjac
La maison où vécut Stevan Kačanski, professeur, poète patriote serbe et révolutionnaire fut construite dans la seconde moitié du XIXème siècle.

Maison de Stevan Kačanski
L'immeuble de l'association des bateaux à vapeur du Danube fut construit en 1925.

Immeuble abritant l'association des bateaux à vapeur du Danube, construit en 1925
L'immeuble de la famille Hristić-Mijusković fut construit en 1930, sur un terrain appartenant au défunt Filip Hristić, diplomate, ministre des affaires étrangères et ministre de l'education sous le règne du Prince Michel Obrenović.

Maison de la famille Hristić-Mijuškovič
L'immeuble qui abrite le musée ethnographique fut construit en 1934, sur la Place Royale, aujourd'hui la Place des étudiants. C'était alors l'immeuble de la Bourse.
Immeuble du musée ehnographique
L'immeuble qui porte le nom du bienfaiteur Ilija Kolarac fut construit au début des années 1930. Il se trouve sur la Place des étudiants. Ilija Kolarac, dans son testament de 1878, fit don de toute sa fortune au peuple serbe et exprima le souhait qu'une partie de son argent soit utilisé pour la construction d'un bâtiment universitaire.
Immeuble construit grace au don du bienfaiteur Ilija Kolarac, hier et aujourd'hui
L'immeuble de l'aéroclub fut construit en 1935. C'est aujourd'hui l'immeuble de l'aviation serbe.
Immeuble de l'aéroclub
La maison du Prince Aleksandar Karađorđević fut construite dans la seconde moitié du XIXème siècle, mais les travaux d'assainissement en 1935 changèrent son aspect. Ce bâtiment fut construit par le Prince qui l'aménagea en auberge-restaurant et lui donna le nom de "La couronne serbe". C'est aujourd'hui l'immeuble de la cinémathèque yougoslave.

Maison du Prince Aleksandar Karađorđević
La couronne serbe en 1894
L'immeuble du musée pédagogique fut construit en 1838 et c'était la maison d'une importante personnalité politique de l'époque. Elle abrita ensuite, entre autres, le consulat anglais, puis la gendarmerie serbe.

Musée pédagogique
La mosquée Bajrakli est la seule mosquée construite par les Turcs et qui a survécu jusqu'à nos jours. Construite en 1575, elle faisait partie des 273 bâtiments religieux musulmans construits à cette époque à Belgrade par les Turcs. C'est durant les deux décennies de la présence autrichienne que tous ces monuments furent détruits, seule cette mosquée fut convertie en église catholique. Aujourd'hui, elle réunit à nouveau les membres de la communauté musulmane belgradoise.

La mosquée Bajrakli
Le Parc des étudiants, ou encore le Parc universitaire, sur la Place des étudiants, se trouve sur l'emplacement d'un ancien cimetière turc qui fut déménagé à peu près au milieu du XIXème siècle et sur lequel prit place un grand marché qui ne fut à son tour remplacé par le parc que dans les années 1930.

Le parc des étudiants
Aujourd'hui Dorćol est également un quartier connu pour ses terrasses de cafés toujours pleines de monde. La rue la plus connue pour sa vie sociale active est la rue Stahinjić Ban, appelée aussi la "Silicon valley". Disons que les filles sont trop belles pour être naturelles :) Mais ce sera le sujet d'un autre billet. Autre sujet aussi, celui de la note artistique que prend le quartier qui devient petit à petit le nid des créateurs, stylistes et designers.

Les Belgradois eux-mêmes, certainement, ne connaissent pas tous les lieux qui retracent l'Histoire de la ville et de son plus ancien quartier. Alors, si vous venez à Belgrade, ne manquez pas de respirer l'air du vrai Belgrade d'autrefois et de vous imprégner de l'atmosphère unique et authentique du quartier de Dorćol.


dimanche 28 septembre 2014

Le tournoi de tennis des VIP à Belgrade 27-28 Sept 2014

Programme officiel
Le tournoi Hugo Boss VIP a eu lieu pour la 16ème fois, ce week-end, à Belgrade. Le tournoi a eu lieu à deux pas de chez moi, sur les courts du club de tennis Novak Đoković, sur le quai du Danube

Ultime VIP serbe: Novak Đoković
Les célébrités serbes ont prouvé leur  forme, leur technique et leur élasticité, ainsi que leur fair-play. Les perdants ont gardé le sourire, car cette manifestation était organisée avec le but humanitaire d'aider les personnes diabétiques.

Don humanitaire pour la lutte contre le diabète
Chanteurs, acteurs, personnalités de la télévision, journalistes, tous se sont efforcés d'atteindre le meilleur résultat. Pour ceux qui savaient à l'avance qu'il n'avaient aucune chance de gagner, l'essentiel était de participer et de montrer toutefois leur progrès depuis le tournoi précédent.

Les gagants dans les différentes catégories
Les tout petits étaient également de la partie et ont montré que la Serbie, nouvelle nation du tennis, peut compter sur eux dans les années à venir.

Des futurs champions
Pour les spectateurs comme moi-même, le tournoi a été un bon moment de détente, dans la bonne humeur, en plein air, en profitant des derniers rayons de soleil avant l'automne.





samedi 27 septembre 2014

Le premier Coffee Fest à Belgrade

Bienvenus au premier Coffee Fest à Belgrade
Comme je vous l'avais déjà annoncé dans mon billet traitant du Festival des Fleurs à Belgrade, un autre événement intéressant a eu lieu ces deux derniers jours dans la capitale: le premier Coffee Fest.

Les Serbes étant des grands buveurs de café, il est tout à fait normal que Belgrade ait organisé une telle manifestation. Belgrade a ouvert sa première kafana (place où, à l'origine, on buvait du café) avant les autres grandes métropoles européennes, et ceci, bien entendu, grâce aux Turcs qui ont instauré la coutume du café dans les territoires occupés. Ce qui est surprenant, c'est que les Turcs aujourd'hui sont plutôt des buveurs de thé. Mais les Serbes ont gardé et entretenu l'art du café depuis un demi-millénaire. La première kafana à Belgrade fut en effet ouverte au début de années 1520, dans le quartier de Dorćol dont je vous reparlerai plus amplement, car c'est le quartier où j'habite. Il mérite que je vous le fasse découvrir plus amplement, à cause de la richesse historique de son passé.

Aujourd'hui, le mot kafana ne définit pas uniquement un lieu où l'on peut boire du café, mais plutôt un lieu où l'on passe de bons moments, en buvant, mangeant, en écoutant de la musique le plus souvent "live" et dans certaines kafanas, même en chantant et dansant sur les chaises et les tables. Les kafanas serbes sont devenues une sorte d'attraction touristique et la ville est connue pour ses folles nuits blanches où l'on danse et chante jusqu'au petit matin.

Depuis 500 ans déjà, le café sert à rapprocher les gens, dans les kafanas, oubien à la maison. Les voisines s'invitent mutuellement à boire une petite tasse de café, véritable rituel d'amitié et d'entente entre voisins. Le café à la turque est sans contexte la sorte de café la plus répandue en Serbie et la coutume veut que la maîtresse de maison, lorsqu'elle reçoit des invités, prépare le café pour les honorer. Si en plus de cela, elle a une main sûre, que son café est délicieux et que vous le vantez, ce sera pour elle un compliment suprême.

L'expression "café à la turque" est, certes,  éxotique, mais certains préfèrent dire "café à la serbe". En effet, il y a plusieurs manières de le préparer et, selon celle que vous adoptez, il est soit à la turque, soit à la serbe, et même, à la Bosniaque, la Bosnie ayant, bien plus que la Serbie, subi l'influence de la présence turque sur son territoire.

Alors, je vous fais un petit café à la turque, ou plutôt, à la Serbe. D'abord, pour préparer ce café, vous avez besoin du récipient que l'on appelle "džezva" (djezva) qui est bien entendu un mot turc. La quantité d'eau à verser dans cette "cafetière" dépend du nombre de tasses que vous désirez préparer. Alors on mesure l'eau à la tasse et on la verse dans ce récipient. Moi je prépare une tasse, donc, j'ai versé une tasse d'eau et tout juste un petit peu plus, pour compenser la quantité d'eau qui va s'évaporer jusqu'à ébulition.
La "džezva" est prête
Lorsque l'eau arrive à ébulition, on retire la cafetière de la plaque chauffante et on y ajoute une cuillère à café de café moulu et on mélange bien. Selon votre goût, la cuillère peut être plus ou moins pleine. Pour ma part, je préfère le café plus fort, donc j'ai bien rempli ma cuillère à café.




On remet la "džezva" sur la plaque chauffante mais prenez garde, le café va monter et vous devez retirer la cafetière de la plaque au moment où il est sur le point de déborder. Vous verrez que la chaleur a produit une belle mousse.


Pour que votre café soit également beau à voir et pas seulement bon à boire, récupérez la mousse avec votre petite cuillère et déposez la dans la tasse de café.


Versez ensuite le reste du café et vous verrez que la mousse résiste et revient à la surface, donnant ainsi un aspet plus riche.


Si vous préparez du café pour plusieurs personnes qui toutes boivent leur café sans sucre, pas de problème. Si certains de vos invités prennent leur café sans sucre, certains légèrement sucré et certains franchement sucré, alors habituellement on le prépare sans sucre et ceux qui désirent en ajouter au café le font eux-mêmes, une fois le café servi. Attention, il faut mélanger le sucre très doucement, sans aller jusqu'au fond de la tasse, pour ne pas lever le marc. Ce serait un vrai désastre! Voilà pourquoi j'ai ajouté une sucrière à mon tableau, au cas où... Enfin, le loukom est là, pour ajouter un peu de l'éxotisme des temps passés.


Si vous venez à Belgrade, vous verrez qu'il y a beaucoup de cafés et ce qui est surprenant, c'est qu'ils sont toujours pleins à craquer, à toute heure de la journée. Le café est toujours la boisson No 1, mais les cafés ne le préparent plus à la turque comme du temps des premières kafanas. Aujourd'hui, c'est l'expresso italien qui est le plus répandu. 

Au Coffee Fest de Belgrade, les grands noms du café serbes étaient bien sûr de la partie, mais le public a églement eu l'occasion de faire connaissance avec de nouvelles marques. L'un des nouveaux joueurs sur le marché du café à Belgrade est la marque de café "Java" qui déjà approvisionne un certain nombre de cafés dans la capitale, dont elle a déjà fait la renommée en très peu de temps. Le café Java, tant pour sa qualité que par les différentes méthodes de préparation, attire les clients qui souhaitent découvrir de nouvelles senteurs et sensations. L'un des cafés approvisionnés par cette nouvelle marque est tout près de chez moi, et je confirme la qualité :) Je souhaite bonne chance et bonne continuation à ces garçons et filles plein d'enthousiasme.

Fiers de leurs produits

Café Java à l'amballage rétro

Demonstration en cours
D'autres produits ont également trouvé leur place parmi les nombreuses sortes de cafés exposées, comme par exemple l'incontournable loukoum qui accompagne traditionnellement le café à la turque, ou encore les délicieuses glaces Moritz Eis, car on peut aussi mettre une boule de glace dans son café turc, à la place de lait ou de crème chantilly.

Loukoum miam miam...

Délicieuses glaces Moritz Eis
Le Coffee Fest a donc été l'occasion, tant pour les amoureux du café que pour les professionnels, de découvrir de nouvelles tendances, de nouvelles marques ou sortes de café qui trouveront certainement leur voie jusqu'au coeur et jusqu'au palais des connaisseurs de café serbes.

Je vous laisse, mon café turc (ou serbe) va se refroidir :)