mardi 31 mars 2015

La Rue de France

Les rues à Belgrade ont pour la plupart changé de nom après la Seconde Guerre Mondiale pour effacer les traces de la Serbie royale et faire l'apogée des événements ou des lieux qui ont marqué le conflit et celle également des héros communistes glorifiés par le nouveau régime. Beaucoup d'entre elles ont à nouveau repris leur nom d'origine durant les dernières quinze années. 

Cependant, dans le centre de Belgrade, menant tout droit au Théâtre National et à la Place de la République, se trouve une rue dont le nom n'a jamais changé depuis qu'il lui a été donné, et ceci comme preuve de profond respect et d'amitié: la Rue de France (Francuska ulica). 

Cette rue n'est pas très longue, mais en s'y promenant, on peut y voir de très beaux immeubles anciens, plus ou moins rénovés, qui témoignent du charme et de la splendeur des temps passés.

Un des beaux immeubles pastels de la Rue de France
Certains d'entre eux méritent une attention plus particulière, à cause de leur Histoire, de leur rôle dans la vie sociale ou politique de la capitale et des personnages célèbres qui y ont vécu.

Tout d'abord, la célèbre kafana "Klub književnika", le "Club littéraire". L'immeuble dans lequel se trouve la kafana fut construit en 1884 et la kafana elle-même ouvrit ses portes à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. C'est là que l'on pouvait rencontrer poètes, écrivains, hommes politiques, acteurs...  et bien vite elle devint un lieu culte de Belgrade. Les Belgradois plaisantaient souvent qu'il était plus facile de rentrer à l'Académie Littéraire qu'au Club Littéraire. En effet, elle était toujours pleine à craquer et il fallait prendre sa place à table à temps.

Le bel immeuble où se trouve la kafana "Le Club Littéraire"

Le portail du "Club Littéraire"
De l'autre côté de la rue, se trouve le Foyer de l'Armée Serbe, qui fut construit du temps du Royaume de la Yougoslavie, et ceci grâce aux dons faits par les officers de l'Armée royale. Aujourd'hui, il est le lieu d'expositions et d'autres manifestations artistiques, et son restaurant a vu bien d'heureux jeunes mariés couper leur gâteau de mariage, entrelacer leurs coupes de champagne et danser leur première valse. Son horloge (qui marque l'heure éxacte) a longtemps été un repère pour les Belgradois.

Le Foyer de l'Armée Serbe
U peu plus loin, se trouve une belle maison liée à une importante figure politique de la fin du XIXème et du début du XXème siècle en Serbie: Nikola Pašić, fondateur du parti radical yougoslave, plusieurs fois premier ministre. La jolie maison à façade au ton rose pastel est la demeure où il mourrut, le 10 Décembre 1926. La place où se trouve le Parlement de la Serbie porte également le nom de ce grand personnage de la scène politique de la Yougoslavie d'antan.

La maison de Nikola Pašić

La plaque commémorative sur la façade de la maison
À quelques dizaines de mètres, encore un très bel immeube, celui de l'Église Orthodoxe Serbe et de son association de charité pour les personnes du troisième âge, les invalides, les orphelins...

L'immeuble de l'Eglise orthodoxe serbe et de son association caritative

Détail de l'immeuble

Joli balcon de l'immeuble

La belle porte sculptée de l'im,euble
Nous arrivons alors devant l'Ambassade de la Grèce sur la façade de laquelle on peut remarquer les symboles des francs-maçons. Construit en 1924, il est l'un de mes immeubles préférés dans la capitale. 


L'immeuble de l'ambassade de la grèce
Sur le trottoir opposé, se trouve "La Maison de la Famille Ribar", qui abrite aujourd'hui un établissement préscolaire. La maison fut construite entre 1920 et 1922. En 1928, la famille Ribar s'y installa. Le père Ivan Ribar était un homme politique, ses deux fils, Ivo Lola et Jurica, deviendront des héros nationaux grâce à leur engagement durant la Seconde Guerre Mondiale.

La maison de la Famille Ribar
Une belle promenade dans le centre ville et dans l'Histoire de la Serbie.

jeudi 19 mars 2015

Le musée de l'Histoire de la Yougoslavie: La Serbie et la Grande Guerre

Pour marquer les 100 ans de la Grande Guerre, au musée de l'Histoire de la Yougoslavie, les visiteurs peuvent, depuis quelques mois déjà, visiter une exposition interactive qui retrace les moments importants du conflit. L'exposition met surtout en valeur la vie en Serbie avant et pendant la guerre et montre les souffrances et le courage du peuple serbe.

Le musée de l'Histoire de la Yougoslavie

L'affiche de l'exposition

Au début du XXème siècle, le Royaume de la Serbie est encore un pays agraire où la majorité de la population est illettrée. Cependant, la Serbie petit à petit, se transforme. Le pays se lance dans un dévelopement, tant industriel qu'artistique et architectural. En 1900, lors de l'exposition internationale de Paris, le pavillon serbe au style serbo-bizantin a représenté de façon splendide la culture et l'architecture de la Serbie.

Le pavillon serbe à l'exposition internationale de Paris en 1900.
En 1908, l'hôtel Moskva qui est un joyau architectural de la capitale serbe fut ouvert au public. Il est aujourd'hui encore l'un des signes distinctifs de Belgrade.


Belgrade est alors une capitale pleine de vie et d'évenements artistiques. Le Théâtre national a un répertoire très riche, opéra, ballet, théâtre, digne d'une capitale européenne.


La Serbie entame un développement industriel et de nombreuses manufactures sont alors créées, qui éxistent encore aujourd'hui, comme la production de verre à Paraćin (1910) et la production de sucre à Crvenka (1912).

Soudainement, l'annexion de la Bosnie Herzégovine par l'empire austro-hongrois crée une forte tension dans les Balkans.  


La Turquie spectatrice: la Bulgarie proclame son indépendance alors que l'empire austro-hongrois annêxe la Bosnie Herzégovine. Les Balkans changent.

Caricature datant de 1909 représentant la botte austro-hongroise en Bosnie Herzégovine
Les Balkans comme un accordéon étiré à craquer. Tout le monde en veut un bout. 

Cette crise aboutit à l'attentat de Sarajevo en 1914 et la Serbie bascule directement dans la guerre, les conspirateurs du complot faisant partie de l'organisation la "Jeune Bosnie" étant à majorité serbes. La kafana la "Béluga dorée" dans laquelle les conspirateurs ont forgé les détails de l'attentat éxiste encore aujourd'hui à Belgrade, dans le quartier de Savamala, près du marché de la Couronne Verte (Zeleni Venac) 

L'une des dernières photos de l'archiduc François Ferdinand et de son épouse, à Sarajevo


Les conspirateurs de l'attentat de Sarajevo, faisant partie du mouvement de la "Jeune Bosnie". Le plus connu d'entres eux, pour avoir tiré sur l'archiduc et son épouse, Gavrilo Princip.
Les dates décisives
L'exposition retrace alors les moments forts, non pas du conflit lui-même, mais du comportement héroïque et de la souffrance du peuple serbe durant les années de guerre. La population masculine mobilisée est constituée presqu'entièrement de paysans qui n'ont aucune notion des combats mais qui n'ont pas hésité à s'engager dans la défense de leur patrie. Ils ne sont pas adéquatement équipés et, au lieu de bottes militaires, ils portent les chaussures nationales serbes: les "opanci".

Les vieux "opanci"

Uniforme du soldat serbe

Uniforme du soldat serbe
L'héritier du trône Aleksandar Karađorđević envoir un message de gratitude à tous ceux qui ont répondu "Présent" à la mobilisation.
Quelques citations montrent le courage et la générosité de ces soldats.
"Qui sont ces héros, ceux qui peuvent dire qu'ils ont mérité la plus fortes des accolades? Ce sont des paysans, presque tous - ce sont des serbes, à la peau dure, sobres, modestes, qu'on ne peut pas briser, ce sont des hommes libres, fiers de leur race et maîtres de leurs terres. Mais la guerre arriva. Et alors, ces paysans se rassemblèrent immédiatement autour de leur Roi et de leur drapeau pour la liberté de leur patrie et, sans effort, ils devinrent les plus courageux des soldats."
Maréchal Franchet d'Esperey

"J'ai souvent été témoin lorsque des soldats ennemis, épuisés par la faim, été amenés; au lieu de maltraiter ces soldats qui avaient brûler leurs maisons et massacré leurs femmes et leurs enfants, vos soldats faisaient preuve de compassion devant leur destin et leur donnaient la dernière tranche de pain qu'ils avaient dans leur poche."
Archibald Reiss
La femme serbe est représentée à travers quatre portraits:

"Le visage féminin de la Grande Guerre"
- La citadine, mondaine, éduquée, à la pointe de la mode. Petit à petit, les femmes apparaissent sur le devant de la scène dans des sphères qui étaient jusque là réservées aux hommes. La première architecte serbe, Jelisaveta Načić, est la créatrice du petit escalier du parc de la forteresse Kalemegdan, juste en face de l'ambassade de France.

Petit escalier de la forteresse Kalemegdan par l'architecte Jelisaveta Načić


- La paysanne, pillier de la Serbie, qui reprit avec courage et perséverance les travaux des champs et des fermes, leurs hommes se battant au front ou étant déjà, malheureusement, morts au combat. Seules, elles nourrissent la Serbie.



"Les femmes paysannes vont aux vergers où sont enterrés leurs bien-aimés. Elles plantent leurs bougies allumées dans la terre, allongées sur les tombes, elles parlent à ceux qui ont été tués: "Mon amour, tu étais mon coeur, pourquoi m'as-tu quittée?" Aujourd'hui, mères, épouses et filles se sont rassemblées en cet endroit pour prier Dieu sur cette grande tombe dans laquelle reposent leurs époux, leurs fils et leurs pères."
Archibald Reiss

- Les infirmières qui ont participé directement au conflit en soignant et réconfortant les blessés.


"Les blessés sont amenés, civières après civières. Personne ne crie de douleur, personne ne pleure - les yeux de chacun d'entres eux brillent, même les yeux de ceux qui semblent très fatigués. Leurs pantalons sont couverts de sang et en lambeaux - mais qu'importe?"
Katharine Sturzenegger, infirmière

- Enfin, la guerrière, qui décida de se battre pour sa patrie aux côtés des hommes. L'une des figures féminines les plus célèbres de la Grande Guerre fut Milunka Savić, sergent dans le deuxième régiment du "Prince Michel", véritable héroïne, blessée neuf fois au front. Les Français, éblouis par son courage, la surnommèrent la "Jeanne d'Orléans serbe".

L'héroïne serbe Milunka Savić
Le bilan de la Grande Guerre pour la Serbie: entre 1,1 et 1,3 million de morts, tant civils que militaires, soit le tiers de la population totale du pays et 60% de la population masculine.

Les tranchées en grandeur nature
Les crimes contre l'humanité commis par les Austro-Hongrois envers les Serbes

"Avec foi en Dieu"

vendredi 6 mars 2015

La visite du Nouveau Palais

Dans le cadre de la visite du Parlement de la Serbie, nous avons eu également la possibilité de visiter le Nouveau Palais qui se trouve juste en face et qui, avec le Vieux Palais, forme le complexe des Palais de Terazije.

Le Nouveau Palais
Le Vieux Palais
Le Nouveau Palais est aujourd'hui le siège du Président de la République de Serbie. Cest pour cette raison qu'il nous a été permis de prendre des photos uniquement dans le hall d'entrée et dans la salle de réception officielle, à la fin de notre visite, les salons étant à présent des cabinets de travail du Président et de ses conseillers. Alors, top secret!

Le hall d'entrée
Statue dans le hall d'entrée représentant l'élevage
Relief représentant l'industrie

La relève de la garde
Bien des changements se sont produits depuis la fin du 19ème siècle sur le plateau où se trouvent les deux palais. À la fin des années 30 du 19ème siècle, l'homme politique et l'homme d'affaires Stojan Simić se fit contruire à cet endroi une maison splendide. En ce temps-là, ce quartier n'était que la périphérie de Belgrade et les canards et les oies y barbotaient. Cependant, en 1843, après des turbulences politiques qui firent perdre le pouvoir à la dynastie Obrenović, l'État racheta la maison qui devint la résidence officielle du Prince Aleksandar Karađorđević, nouveau souverain. Bien qu'il devint un palais résidentiel, le bâtiment garda son ancien nom populaire: la "Maison de Simić".

La dynastie Obrenović reprit le pouvoir en 1858 et c'est dans la "Maison de Simić" qu'accompagné de son épouse Natalija, résida le Roi Milan qui, en 1881 entreprit la construction du Vieux Palais, aujourd'hui l'Hôtel de ville de la ville de Belgrade. Après lui, y résidèrent également le Roi Aleksandar Obrenović et son épouse Draga, détestée par le peuple. Suite aux bouleversements politiques du mois de mai 1903 qui résultèrent dans l'assassinat du Roi et de son épouse, la "Maison de Simić" fut complètement détruite. Seules des vieilles photos jaunies témoignent de son éxistence. À sa place se trouve aujourd'hui un parc où les Belgradois peuvent profiter du soleil durant les beaux jours.

La maison de Simić
Le Vieux Palais à gauche et la "Maison de Simić", photo datant de 1900
Le Vieux Palais devint, à partir de 1903, la résidence du Roi Pierre 1er Karađorđević. Ce dernier décida de construire un palais pour son fils, le futur Roi Aleksandar Karađorđević et c'est ainsi que fut entamée la construction du Nouveau Palais. 

L'entrée du Nouveau Palais. La garde est en place.
À la fin de la seconde guerre mondiale, les palais changèrent d'aspect et de fonction. Les emblêmes royaux furent supprimés par le régime communiste. Les ornements architecturaux qui étaient trop "royaux" à leur goût furent également déplacés ou détruits, comme le portail et la grille entre les deux palais ou encore les coupoles sur le Vieux Palais. 

Le portail au blason royal qui n'éxiste plus
Le Nouueau Palais: la grille fut coupée et recyclée dans plusieurs locations de la ville
Les coupoles du Vieux Palais furent détruites, la grille entre le Vieux et le Nouveau Palais n'éxiste plus
Les salons (que je n'ai pas pu photographier) ont été complètement refaits et ne ressemblent en rien à leur version originelle d'antan. Ils servent aujourd'hui de cabinets au Président et à ses proches collaborateurs.

Le "Salon jaune" est la pièce dans laquelle le Président reçoit ses invités. À sa place se trouvait à l'origine la "Chambre bosniaque" ou, comme elle était encore appelée, la "Chambre à fumer". Le Nouveau Palais avait été meublé à l'européenne, mais seule cette pièce avait été décorée dans le style Balkan. Notre guide l'a comparée à la pièce centrale qui servait de chambre de réception dans le Palais de la Princesse Ljubica.

La pièce centrale en style Balkan dans le Palais de la Princesse Ljubica
Nous entrons ensuite dans le "Salon vert" dans lequel le Président reçoit les délégations officielles et récompense les citoyens pour leurs mérites en leur décernant une médaille officielle. Les meubles sont en style Louis XV et, à l'origine, dans ce salon se trouvait également un piano sur lequel jouait la Reine Marija pour ses invités. 

Le "Salon blanc" est, si l'on en croît notre guide, le salon préféré du Président, et c'est en fait l'ancienne chambre à coucher du couple royal, Aleksandar et Marija. 

Après le "Salon rose", lieu de travail du conseiller du Président, nous entrons dans le "Salon d'Ohrid", dont les murs sont entièrement décorés de boiseries sculptées et qui porte ce nom du fait que les artisans qui travaillèrent à sa décoration étaient originaire de la région d'Ohrid, en Macédoine.

Le "Salon d'Ohrid" (photo internet)
Nous arrivons enfin dans la salle de réception officielle qui, tout comme le salon précédent, fait partie de l'aile du palais construite après la deuxième guerre mondiale, entre 1948 et 1950. 

La salle officielle: le pupitre devant l'emblême de la Serbie. 
La fresque "La bataille du Kosovo" de l'artiste Petar Lubarda 
Le Roi Aleksandar Karađorđević résida dans le Nouveau Palais de 1922 à 1933, avant de s'installer dans le Palais Royal, situé dans le quartier de Dedinje. Tout comme son père qui construisit le Nouveau Palais pour lui, Aleksandar entreprit également la construction d'un palais pour ses enfants sur les terres du Palais Royal: le Palais Blanc, dont il ne vit malheureusement pas la fin des travaux. Mais c'est une autre histoire, pour un autre article.